Le traitement des épreuves noir et blanc.

Le fixage

Cette étape du traitement et celles qui suivront vont conditionner la stabilité des photographies lors de l'archivage.

Deux types de fixateurs sont employés couramment: celui au thiosulfate de sodium (hyposulfite de soude), celui au thiosulfate d'ammonium. Ce dernier agit beaucoup plus vite et réduit considérablement la durée du fixage. Ces thiosulfates ont la propriété de solubiliser les sels de bromure d'argent n'ayant pas réagi lors de l'action du révélateur.

Le fixage se déroule en deux temps: complexation des sels résiduels, puis passage en solution. Un bain usé déposera une partie de ses sels ainsi que des complexes dérivés (argentithiosulfates) dans l'émulsion et dans le support (papiers barytés). Ces dérivés étant très peu solubles dans l'eau, on ne pourra les éliminer, même après un lavage prolongé. Par la suite, ils se décomposeront pour former du sulfure d'argent qui se traduira par une coloration jaune particulièrement visible dans les faibles densités de la photographie et, pour les papiers barytés, sur le dos de l'épreuve.

D'autres altérations (taches jaunes) pourront apparaître lors d'un virage. La qualité du bain de fixage est donc de première importance.

Le temps de fixage dépend de nombreux facteurs (nature du cation, concentration, agitation, température, usure du bain...); il devra être assez long pour dissoudre tout le bromure d'argent inutilisé. La durée totale du fixage doit être double du temps de clarification*, mais d'aucune fa�on les photographies ne devront rester inutilement dans ce bain, en particulier pour les papiers barytés o� les produits chimiques résiduels s'absorbent dans les fibres du papier.

Un lavage même prolongé n'éliminera jamais la totalité des sels imprégnés lors d'un "surfixage".

Le positionnement de la photographie peut influer sur la vitesse du fixage. Si l'émulsion est tournée vers le bas, les complexes argentithiosulfates migreront par gravité dans la solution.

Si l'usage d'un fixateur tannant renforce les propriétés mécaniques de la gélatine, il a l'inconvénient de rendre plus difficile l'élimination des sels restant lors du lavage.

Double fixage

Le double fixage est une technique vivement conseillée pour le traitement des photographies destinés � l'archivage.

L'épreuve ayant été fixée dans un bain usagé est ensuite immergée dans une solution neuve éliminant ainsi la totalité des sels d'argent résiduels. Après un certain nombre de passages, le premier bain est remplacé par le second, ce dernier étant remplacé � son tour par un bain neuf.

Pour prévenir les microtaches sur les négatifs (Norme NF S 20.011 -1972) il faut utiliser un fixateur dont la teneur en iodure de potassium est comprise entre 0, 1 et 0, 5 g/litre.

On peut effectuer un contr�le de l'épuisement des bains du fixateur.

- Dans le cas d'un fixateur pour film, on appliquera la règle suivante:
Si le temps d'éclaircissement (de clarification: disparition de l'apparence laiteuse) dure plus du double du temps initial, le bain est considéré comme usé. *Temps de clarification: c'est le temps nécessaire � une émulsion négative pour perdre son aspect laiteux lorsqu'elle est plongée dans un bain de fixage. Ceci n'est pas visible avec des supports papier, aussi pour connaître le temps de clarification d'un fixateur papier, on testera la solution avec un morceau d'émulsion négative.

- Dans le cas d'un fixateur pour papier, on fera un test avec la formule Kodak FT 1 suivant les protocoles ci-dessous:

Test Kodak FT 1

eau : 75 ml
iodure de potassium: 19 G
eau q.s.p.f. 1000 ml

 

Fixage en un bain:
Ajouter 5 gouttes de solution "FT 1" � 5 gouttes du bain de fixage et 5 gouttes d'eau. Si un précipité jaune blanchître se forme instantanément, le bain est épuisé.

Fixage en deux bains:
Mélanger 5 gouttes de fixateur et 5 gouttes de la solution "FT 1", ajouter 5 gouttes d'eau. Si on observe un précipité jaune-blanc dans les deux bains, il faut les remplacer. Lorsque seul le premier bain forme un précipité, on le remplace par le second.

Le lavage

Le lavage des photographies élimine le thiosulfate résiduel qui peut altérer l'image argentique lors de la conservation.

Dans un phototype bien fixé mais mal lavé, le thiosulfate se décompose et se transforme lentement en acide sulfurique, soufre et sulfure de sodium. Ces deux derniers peuvent réagir avec l'argent pour former du sulfure d'argent. On observe alors un jaunissement de l'image dans les zones de forte et moyenne densité. La durée du lavage dépend de la nature du phototype, de la température, de la dureté de l'eau... Les sels résiduels sont éliminés plus rapidement lorsque le support est imperméable (film ou papier R.C.).

Généralement, un temps de lavage de 30 minutes � l'eau courante est une durée suffisante pour les films. Les supports en papier baryté nécessitent un lavage plus long, afin d'éliminer tous les produits absorbés dans les fibres. A cet effet, plusieurs techniques sont proposées:

L'épreuve est placée dans une cuvette o� l'eau est changée toutes les 5 minutes (on compte environ 20 litres d'eau/m2).

Cette opération est répétée durant une heure.

Une autre méthode consiste � régler le débit d'eau pour que la cuvette soit remplie en 5 minutes. Si on lave plusieurs épreuves � la fois, il est impératif de s'assurer qu'elles n'adhèrent pas les unes aux autres et que l'eau atteint toutes les parties de l'image.

D'autres installations permettent d'améliorer le traitement des épreuves sur papier baryté. Dans les cuves de type Kostiner (comme celles de L'ENP), les photographies sont rangés verticalement et séparés par des claies. Une agitation est produite par l'arrivée simultanée d'eau et d'air. Bien que ne permettant pas de laver beaucoup d'épreuves � la fois, ce type de cuve semble très performant. Un autre système de type rotatif (marque fran�aise Deville) est composé d'une cuve ronde o� les épreuves sont soumises � un mouvement circulaire créé par l'arrivée latérale de l'eau. L'inconvénient de ce procédé réside dans le fait que les épreuves peuvent coller les unes aux autres ou se casser sur les bords. Il est donc conseillé d'en traiter peu � la fois.

Température de l'eau

Plus la température est élevée, plus le lavage est rapide, mais il faut veiller � ne pas endommager la gélatine qui tend � se fragiliser lorsque la température augmente. Aussi il est recommandé de ne pas dépasser 25�C (température minimale de 16�C).

Dureté de l'eau

Il n'est pas souhaitable d'utiliser de l'eau désionisée ou distillée, car l'efficacité du lavage croît avec la dureté de l'eau. Pour éviter tout dép�t de sels minéraux � la surface du phototype, on prendra soin de le rincer avec de l'eau distillée avant le séchage.

Auxiliaire de lavage

Nous avons vu précédemment que la présence de sels minéraux pouvait influer sur le temps de lavage en facilitant l'élimination des sels résiduels du fixage. Il est donc possible d'abréger cette opération par le simple passage du phototype dans une solution saline. Celle ci est disponible sous le nom "d'hypo clearing agent" (Kodak) ou peut être préparée (formule ci-contre).

Formule pour

auxiliaire de lavage:

eau : 1000 ml
sulfite de sodium anhydre: 10 G

Après le fixage, la photographie est lavée quelques minutes � l'eau courante, plongée 5 �10 min dans cette solution, et enfin lavée 10 � 20 min � l'eau courante.

Eliminateur d'hyposulfite

Avec un éliminateur d'hyposulfite s'opère une véritable réaction chimique qui transforme, dans le phototype, le thiosulfate résiduel en sulfate soluble, facile � éliminer. Un tel traitement peut être envisagé pour des épreuves, mais il n'est pas sans danger: des gondolages, un changement de ton de l'image, un ramollissement de la gélatine peuvent se produire. Aussi, nous ne le conseillerons pas.

Contr�le de la qualité du lavage et du fixage

Les tests normalisés sont présentés dans la norme ISO 417-1977; ces tests sont destructifs. La teneur maximale autorisée pour les films usuels est de 7 mg par mètre carré d'ion thiosulfate. L'efficacité du fixage est suivie par la mesure des composés argentiques résiduels et la qualité du lavage par le dosage des thiosulfates. Après un certain laps de temps et selon les conditions climatiques, une partie du thiosulfate restant dans le phototype se décompose en polythionates. Ces derniers, nocifs pour l'image, ne sont pas pris en compte par le dosage au bleu de méthylène, les taux résiduels mesurés seront donc inférieurs aux taux effectifs après le traitement.

Aussi est-il important de réaliser rapidement ce test. La méthode au sulfure d'argent permet de mesurer simultanément les thiosulfates et les polythionates. Cette méthode n'est pas suffisamment précise pour répondre aux consignes imposées par la norme Mais on pourra néanmoins l'utiliser.

Dosage qualitatif des sels résiduels de thiosulfate:

eau distillée : 750 ml
acide acétique cristallisable : 30 ml
nitrate d'argent : 10 G
eau q.s.p.f. : 1000 ml

Cette solution est � conserver � l'abri dans un flacon � bouchon, en verre. Il faut mettre une goutte de cette solution sur un échantillon de même nature et ayant subi le même traitement que l'épreuve. Après quelques minutes, retirer l'excès. S'il y a plus qu'une légère tache, I'épreuve est mal lavée. Plus la tache est sombre, plus la teneur en thiosulfate résiduel est élevée.

Si le test précédent est positif, il convient de procéder � un "relavage".

 

Virages

Les virages sont habituellement utilisés dans un but esthétique.
A l'issue du traitement, I'épreuve acquiert une tonalité différente plus ou moins chaude. Cependant, une autre conséquence moins visible est plus intéressante: dans un phototype viré, I'argent est combiné sous une forme beaucoup plus résistante aux gaz oxydants; I'image gagne donc une stabilité.

Aussi recommande-t-on dans le cas de documents qui requièrent une grande pérennité, de recourir � un virage � l'or (formule ci-dessous) ou au sélénium (idem). Ces traitements ne seront appliqués que sur des photographies récemment et parfaitement fixés et lavés.

Bain de virage � l'or Kodak GP1:

eau distillée : 750 ml
solution de chlorure d'or � 1% : 10 ml
Thiocyanate de sodium : 10 G
eau q.s.p.f. : 1000 ml

Ajouter la solution de chlorure d'or � l'eau et dissoudre séparément le thiocyanate dans 125 ml d'eau. Ensuite ajouter lentement la solution de thiocyanate � celle de chlorure d'or en agitant rapidement. Immerger les photographies 10 min (� 20�C) dans ce bain, puis laver 10 min � l'eau courrante et sécher.

Bain de virage � l'or Kodak GP2 :

eau distillée :

750 ml

solution de chlorure d'or � 50% :

0, 5 g

acide tartrique :

1 G

thiourée

5 G

sulfate de sodium

15 G

eau q.s.p.f. :

1000 ml

 

Bain de virage au sélénium Kodak T55:

eau distillée chaude: 700 ml
sulfite de sodium anhydre : 150 g
sélénium (poudre) : 6 G

chlorure d'ammonium :

190 G

eau q.s.p.f. : 1000 ml

Dissoudre le sulfite de sodium dans les 700 ml d'eau chaude, ajouter le sélénium et laisser bouillir 30 min. Filtrer pour éliminer les résidus, laisser refroidir et ajouter le chlorure d'ammonium. Compléter � l'eau froide pour faire un litre. Pour l'utilisation, un volume de cette solution est dilué avec 5 volumes d'eau. Le tirage est immergé lO � 15 min (20�C), puis lavé soigneusement suivant les conditions indiquées dans les pages précédentes.

Le séchage.

Le poids de l'eau retenue par la gélatine après le lavage est de 0, 5 � 2 g par décimètre/carré, ce poids variant d'après la nature et l'épaisseur de l'émulsion. Il faut y ajouter l'eau absorbée éventuellement par le support ce qui pour les papiers représente une quantité notable.

Le séchage consiste � éliminer la plus grande partie de cette eau sans qu'il en résulte ni dommage ni danger quelconque pour l'image argentique pour la gélatine ou pour le support. Un séchage mal conduit peut modifier la densité de l'image totalement ou le plus souvent d'une fa�on inégale et partielle par suite de la migration des grains d'argent réduit dans la masse de la gélatine � la suite des tensions provenant de sa dessiccation irrégulière. Les clichés en demi tons y sont sujets plus que les clichés au trait et les négatifs � gros grain, plus que ceux � grain fin. La gélatine elle-même peut être endommagée par fusion totale ou partielle, par suite de réticulations ou par gondolement. Si un cliché est suspendu verticalement, il y a, au cours du séchage, accumulation de l'eau vers sa partie inférieure ou la dessiccation sera de plus longue durée. Cette inégalité de séchage suffit souvent � expliquer des différences de densité et de planéité. Si le lavage s'est fait dans une eau fortement calcaire, il y a grand risque de voir apparaître des taches de formes diverses provoquées par des gouttelettes ou par une concentration locale de l'eau d'évaporation. On les évite en ajoutant une petite quantité d'agent mouillant � la dernière eau de lavage additionnée de quelques gouttes d'acide acétique ou chlorhydrique. Un séchage trop rapide peut également provoquer un gondolement des supports par suite de tensions inégales.

Cette perte de planéité est presque impossible � récupérer avec les plans-films; pour les papiers elle se manifeste parfois sous l'aspect d'un bosselage local difficile � corriger. Un bon séchage consiste donc � équilibrer l'évaporation superficielle et la diffusion graduelle de l'humidité dans la gélatine par remontée progressive � partir de ses couches profondes vers la surface. On comprend dès lors qu'un séchage � l'air chaud soit plus dangereux qu'un séchage lent � température et humidité ambiantes. I'air chaud desséchant la couche superficielle de la gélatine avant que la diffusion n'ait pu la réalimenter en humidité � partir des couches profondes. Ces inconvénients n'existent pas, on le con�oit, avec les sécheuses automatiques de bonne fabrication dans lesquelles la turbulence de l'air chaud évite les inégalités de séchage.

Séchage des papiers

Les papiers � surface brillante sont glacés � chaud ou � froid. Ceux � surface mate ou semi-mate sont essorés � l'aide d'une éponge en viscose, d'un tissu absorbant non pelucheux ou de papier buvard. Ils sont ensuite suspendus ou séchés � plat sur des cadres tendus de mousseline, la couche sensible vers le bas. Ils peuvent éventuellement être séchés prudemment � la glaceuse, face gélatinée vers la toile, en évitant une température trop élevée sous peine d'endommager la structure caractéristique de leur surface. Les papiers sur support RC sont séchés en deux minutes dans les sécheuses � air chaud et en une quinzaine de minutes � l'air libre.

Si l'on a scrupuleusement respecté les recommandations de cette page, on doit pouvoir produire des tirages noir & blanc d'exellente qualité que l'on pourra conserver très longtemps.

Paris 2000, © ChristopheGlaudel pour les textes et les propriétaires respectifs des formules. Ilford, Kodak Kostiner et Deville sont des marques déposées.